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Majid Blal

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MON CHOUARI DE MOTS, MON BARDA DE PHRASES

Par Majid Blal

Dans la besace, mon lot. Le long de mon chemin, collecté les mots de mon destin.

Au fond du balluchon, précieusement une flopée de mots fauchée sur les bords, en berges fleuries, des chaussées parcourues. Des phrases en grappes pour foncer la tannant qui émulsionne les émotions rencontrées sur le terrain.

Des en vrac dans le capuchon de l’« Agounoun-capuchon ». Recueillis comme le pain du berger en prévision des disettes et des mauvaises conjonctures. D’autres en termes sonnants et rayonnants afin d'impressionner les vendeurs des mots-vides, les charlatans du verbe et les affairistes de la culture.

Épargnés, les mots-urgences empilés dans une trousse de premiers soins. Ils sentent l’alcool iodé qui assaisonne et ajoute du gout aux discussions fades. Ils colorent, du bleu de méthylène, les glissements des langues quand elles fourchent. Le trousseau médical comprend des Mots-radiologie pour les mises à nu. Des mots-scalpel pour les vérités chirurgicales et des mots-mercurochrome pour désinfecter mes angoisses, des fois que l’espoir vacillerait.

Plus le fardeau est lourd, plus il lacère la mémoire de rides. Comme unique porteur de ma vie, les termes exclusifs qui la racontent, pèsent le poids des expériences accumulées. Des mots engrangés, comme butin de résilience, à l’adversité et aux sentiers traversés par la force de l’abnégation. Mes mots à moi sont tatoués sur moi. Les mots-dire se moquent du temps.

Je ne peux énumérer la récolte de toute une vie. Il faudrait une autre vie pour tous les éplucher, recenser, énumérer. Toutefois, et à la pige, je déposerais en griefs, comme on dépose ses biens chez le prêteur à gage, quelques valeurs sures. Celles qui témoignent du passage de la main dans le sac du flagrant délit.

Déballant mon sac à dos, en vrac en votre présence, je vous invite à l’encan des mots de mes phrases. Quelques mots marquants comme la sonorité d’un prénom.

Il y a les mots-alpinistes qui escaladent les jours pour nous faire grandir. Aboutissement en gros, Émancipation comme phare, Affranchissement comme exigence et Dissidence pour la revendiquer, Réalisation de soi et de ses rêves comme impératif. Dépassement de soi comme horizon et Vivre comme la priorité de toutes les urgences. Mot-Vie est l’instant pour baiser la survie.

Mot-Résilience comme brise-lames quand les vagues viennent se fracasser sur ma proue tentant de couper net le souffle de mon élan. Vagues que fomentent les traumas quand jouant aux malins ils disséminent les écueils pour nous faire trébucher et dévier nos caps.

Les mots, recueillis parfois en orphelin, sont devenus les miens. Il y a eu les Mots-Nomade, le long de mon parcours. Mots qui transhument à la quête de la nuance et de la définition concise des sens. Des mots qui migrent vers l’autre pour se découvrir dans ses yeux. J’ai marché longtemps et un soir, en entrant dans un lit, j’ai déposé le balluchon et entamé finalement les Mots-sédentaire. Enfin ! Je suis chez moi partout.

Le Mot-Altérité comme lieu de confort de toutes mes identités assumées et espace de concubinage de toutes les cultures qui ont façonné mes fondations.

Et le Mot-Service qui sonne mépris quand la bonté n’est pas comprise. Être serviable n’est pas être adepte de la servitude ni faire l’éloge de l’asservissement. Juste être utile sans se le faire reprocher ou se faire enfermer dedans.

Que de folie pour demeurer propriétaire de l’authenticité. Mot-Folie comme rambarde. La folie comme garde-fous qui empêchent la sagesse prudente et les desseins taciturnes des adultes de se poser en alternative. Le Mot-Folie comme écrin du risque pour fausser compagnie au rêve lorsqu’il devient grave et qu’il prend le ton sérieux de la norme qu’adoptent les fonctionnaires de la maturité. La folie échappatoire qui déchire les fou-rires pour que je puisse m’y engouffrer préservant le regard ébahi et naïf qui a encore des réserves infantiles pour l’émerveillement. La folie trépigne, se trémousse, chaloupe, gambade… parce que son regard d’enfant ne veut pas voir sa peur du Mot-Vieillir.

Et cet Amour ! Mot-Amour ! Cet intrus fureteur dont je n’ai jamais pu saisir le vrai nom. Il s’éclipsait toujours dans un éclat de rire chaque fois que mes mains tentaient de cerner le halo de son image éphémère. Le Mot-Amour, sarcasme qui se jouait en trépignant de ma naïveté à qui il miroitait toutes sortes de perception-chimères. Le Mot-Amour récurant avec abrasif, la raison et finit par laisser le cœur délavé au bout du sentier qu’on appelle l’Allée. Allée car à sens unique, elle ne sait pas revenir et ne laisse personne recommencer un faux départ.

Je vous vois venir de loin ! Et le Mot-Femme ? Diriez-vous… J’en ai déjà parlé bien que ce soit un Mot-Fleuve. Il ne tarit jamais, se renouvelle et revient à la charge indéfiniment. Je me donne le droit de lui consacrer un écrit juste pour parler d’elles. Celles qui ont côtoyé mon parcours. Celles qui m’ont aimé et celles que j’ai aimées. Celles qui m’ont appris à ne pas me fuir et celles qui m’ont appris moi-même, celles qui ont motivé tellement de mes odyssées et de mes aventures périlleuses. Les femmes de ma vie.

Il m’arrivait de sortir de ma besace un bouquet de Mots-Loyauté que j’offrais comme caution de ma constante fidélité. Répondant et garant de ma sincère affection mais chaque fois l’amitié torpille les acquis quand elle croit tout posséder. L’amitié agit en courtier et tente de fructifier l’affection en soumission. Le Mot-Amitié est susceptible puisqu’il fricote avec les complots, converti au conspirationnisme et s’affranchi abusivement des règles élémentaires du raisonnement en se refusant l’introspection.

Le Mot-Amitié a l’oreille en miroirs déformants. Tout y est altéré. Même l’image de la sincérité. Suffit qu’on lui chuchote dans le creux pour qu’il conclue vite à l’existence de la machination suprême. Sur le podium de la trahison, le Mot-Amitié est champion du lancer du couteau dorsal...

Les Mots-Larme quand j’ai appris à pleurer pour me raconter ma peine dans les mots qui me conviennent. Dans mes propres termes lacrymaux sans gêne ni honte. Quand je me suis rendu compte que le trop plein des glandes, les fait déverser en amertume sur le buvard des neurones en imbibant leur capacité de négocier avec les émotions. Mon père disait que nous sommes des guerriers qui combattent sans cligner des yeux mais aussi un peuple qui sanglote à la vue d’un sans abri ou d’une petite misère humaine. Moi je ne veux être le combattant ni le guerrier d’aucune cause ni de personne. Ce sont toujours les pauvres et les moins nantis qu’on envoie à la guerre pour les autres s’enrichissent mieux.

Il y a le mot Père qui a lui seul est toute une bandoulière de mots non dits. On s’était gardé de dire les mots du cœur pour ne pas froisser l’image qu’il voulait se façonner pour m’en donner l’exemple. On s’était communiqué à travers la mère qui a résonné comme le tam-tam annonçant la paix et prévenant les hostilités.

Je me suis longtemps bluffé de petits Mots-Menteries pour éviter de croire à mes vrais Mots-Mensonges. Mots-Mensonges qui faisaient l’épouvantail dans mes rêves quand ils se masquent de cauchemars. Je me suis menti comme un aiguilleur qui dévie sa propre trajectoire pour ne pas se télescoper avec les paradoxales fabulations du chercheur des certitudes. Petits Mots-Menterie du momentané qui mènent plus lentement vers les petites déceptions à petites doses. Puis je me suis ris en pleine face, le jour où j’ai osé faire une pause miroir en passant devant une glace.

Le Mot-Réagir que j’avais toujours enchainé aux chevilles. Mot-boulet qui ne m’a jamais laissé prendre les devants et agir sans en faire une « Procédure collective ». C’est comme vieillir par petites doses en se sentant un peu plus courbatu avec des muscles courbaturés et raqués chaque matin au sortir du rêve… Le Mot-Agir cède tranquillement ses prérogatives au Mot-Réagir !

Ma musette (Mouzite) est le coffre fort de ma mémoire. De la mémoire. Celle qui définit l’entité qui me véhicule et les Mots en stock, désignent les émotions qui demeurent avec le temps. Celles qui marquent à jamais. Joyeuses comme mélancoliques, gentilles comme subversives, raisonnées comme les plus folles…

Bien que mon Cabasso (Cabas) déborde, je ne peux tout vous divulguer d’une traite et le même jour. On ne se connait pas encore assez pour cela. Tout vous dire et après ! Vous allez me reprocher d’être tout nu et à nue devant vos yeux inquisiteurs.

Laissez-moi quelques Mots- secrets pour que les Mots-Femme puissent continuer à me dire que je suis un beau ténébreux, tout en mystère et moindrement énigmatique…

Majid Blal, Sherbrooke, le 26 Janvier 2013.

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