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Majid Blal

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À L'OMBRE DES SOLITUDES, LES INSOLATIONS VICTIMAIRES

Par Majid Blal.
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« Être solitaire est un choix; la solitude ne l’est pas »
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Se retirer en retraite de l’activité humaine parce qu’on a besoin de faire le vide, de faire le point et d’entamer un exercice d’introspection n’est pas s’engouffrer dans la réclusion de la solitude.
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Que dire de ces patients hospitalisés qui hantent les murs en fantômes solitaires et qui déambulent dans les couloirs en quête d’un mot de tendresse ou de réconfort parce que personne ne vient s’enquérir de leur état. « La pire souffrance est dans la solitude qui l’accompagne » a l’odeur médicamentée d’un cri étouffé par l’insonorisation imposé à la douleur.
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Se vouloir anachorète ou ermite par l’isolement dans des no man’s land, relève de l’aboutissement d’un parcours spirituel et non une contravention verbalisée comme une injuste transgression par la solitude.
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Ce n’est pas le délire paranoïde des agoraphobes. Ces damnés qui ne font pas le choix de déguerpir se cacher dans l’ombre de leur propre séquestration. Fuyant les lieux publics et les espaces ouverts comme Lucifole Rofocale détalerait de la lumière. « Être solitaire est un choix; la solitude ne l’est pas »
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Chercher à être ascète dans le silence, la sérénité et la paix loin des tracas de la vie matérielle et du brouhaha de la cité, est le fruit d’une réflexion philosophique et non la claustration imposée que formule la solitude.
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Dans les limbes du purgatoire, beaucoup de parents vieillissant survivent dans l’attente de la prochaine visite. Peut-être à Noël prochain… En attendant, ils s’installent au bord de la fenêtre pour guetter les passants. Ajustent leurs prothèses auditives pour mieux déceler le bruit de leur progéniture, si jamais celle-ci se souvenait et se pointerait grattant la porte aussi fidèlement que les animaux domestiqués. Il arrive qu’ils meurent tous seuls sans une main à tenir… « La solitude est riche quand on la traverse et que quelqu’un nous attend ». Qui dirait mieux de la solitude ?
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Se dissimuler dans une bulle parce qu’incapable de s’ajuster aux exigences de la vie en groupe en dérobant son corps de la vue des autres comme châtiment à l’univers, est une réaction du désadapté quand il ne peut qu’être insociable. Ce ne peut être les affres d’une solitude subie.
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Et ces enfants qui vivent le rejet dans une cour d’école parce que différents. Surdoués, grassouillets, de cultures et d’origines suspectes, vivant avec ses deux parents ou tout simplement rouquins. Noirs ou basanés…Que de rejets et de quolibets à endurer en sachant qu’à cet âge la vie parait si longue et le chemin si tortueux. « La solitude et le sentiment de ne pas être désiré sont les plus grandes pauvretés »
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Se confiner dans son salon pour jouir du confort de son pyjama quand on est valide et qu’on peut demander son verre d’eau juste en cliquant des doigts est un caprice petit-bourgeois et ne confère pas au cloisonnement que font vivre le rejet, l’invalidité et la pauvreté quand ils arrangent la chute vers les donjons de la solitude.
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Puis ces femmes de la résilience. Celles qui paient le triple tarif dans l’isolement. Cloisonnées parce qu’immigrantes sans famille proche ni recours dans l’adversité. Enfermées parce qu’un mari perpétuant des pratiques héritées et sublimées, ne conçoit une épouse que confinée au foyer. Et si analphabètes et allophones, alors c’est la totale, c’est la « plus haute des solitudes » ou la réclusion d’un sexe. « La solitude, c’est pire quand on est seul ».
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Apprécier et vouloir à tout prix être seul est compréhensible, légitime mais cela ne devrait pas avaliser l’apologie de la solitude.
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Faire l’éloge des moments solitaires en tant que compagnons rêvés du scribe pour écrire un brouillon de phrases-poubelle ou consigner une œuvre inattendue ne devrait pas être la caution morale pour encenser la solitude. La vraie, celle dont beaucoup d’écrivains et d’artistes titillent le flanc sans jamais avoir inspecté les entrailles.

Que de frustrations, de rejets et de solitude dans la négation de l’autre quand elle devient chronique. Que de gens ne se sentent pas écoutés, regardés même au milieu d’une foule de personnes aussi proches qu’inconnues. La solitude a son meilleur lorsqu’on plonge dans le social pour éviter le cloisonnement et qu’on tombe sur la paradoxale solitude dans le groupe. Que de fois des individus, fuyant le délaissement, se jettent dans les mariages claustrophobes et dans le cloisonnement de l’âme. « La solitude serait un endroit idéal si on pouvait choisir les gens qu’on évite ».
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Que de souffrances endurent ces alcooliques dépressifs que la mauvaise conscience punit le jour en les forçant au silence coupable et les libère pour t’appeler à toute heure de la nuit quêtant un peu d’attention. À partir de la brunante leur seuil de tolérance à la geôle leur accorde l’armistice comme les chauves souris dans le noir avant le nouveau couvre-feu du lendemain.
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Et ces esseulés qui ne ménagent aucun effort et qui paient, casquent pour socialiser, pour ne pas se retrouver face à soi. Organisent les rencontres, les sorties et s’accommodent de tout genre d’individus pourvu que cela les mette en contact avec l’humain.
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Et la solitude de l’esprit ? Celle des âmes torturées, des écorchés vifs incompris. Celle liée à la communication et aux complications des niveaux de langage. Celle des concepts, des postulats et des dédales de la compréhension. La solitude du déni de crédibilité parce que véhiculant l’image non normative du marginal comme dans la citation « La solitude de l’esprit est la véritable solitude ».
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Qui ne connait pas la damnation de Cassandre ? La fille de Priam dernier roi de Troie. Cette égérie qui avait reçu d’Apollon le don de prévoir l’avenir et de ne dire que la stricte vérité. Et quand elle a refusé les avances du dieu qui voulait la séduire, ce dernier la condamna à ne jamais être crue malgré la véracité de ses paroles. Que de solitude à se voir démentie perpétuellement !
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Majid Blal, Sherbrooke, le 5 février 2013
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