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Tribune

Rachid Taha, le doux subversif

Par Brigitte Giraud, écrivaine (mis à jour à )
Rachid Taha en 1998. Photo Denis Dailleux

Le musicien algérien résidant en France est mort à l’âge de 59 ans. Retraçant leur parcours commun, d’Oran à Paris, l’écrivaine Brigitte Giraud raconte comment, à partir des années 80, le chanteur a incarné un nouveau monde, entre sens de la fête et identité.

Je suis adolescente quand le nom de Rachid Taha apparaît dans mon univers. Je viens juste de m’extirper de la gangue musicale qui envahit l’appartement les soirs d’émissions de variétés, dans la banlieue près de Lyon où j’habite. La première silhouette qui passe par là, qui vient à la fois consoler, dynamiter l’ennui et la solitude de la cage d’escaliers, c’est celle de David Bowie. Puis dans la foulée, déboule la cohorte de la punkitude qui permet de rattraper le temps perdu, les Ramones en tête, dont on ne dira jamais assez la façon dont ils ont sauvé des hordes de banlieusards déboussolés.

Le terrain est prêt pour que je ne rate pas celui qui va mettre le feu aux poudres, combinant une étrange alchimie, alliage entre un rock’n’roll incisif et un grain de sable inattendu en provenance d’Algérie, celui qui titille la France depuis des lustres. Rachid Taha et son groupe Carte de séjour entrent en scène, frappent fort et mettent un peu de sel sur la plaie restée à vif de la guerre d’Algérie, qu’on nommait «événements» et à laquelle mon père prit part quand il avait 20 ans. L’apparition de Carte de séjour dans le paysage musical français se fait pile deux décennies après la signature des Accords d’Evian, ce qui n’est même pas le temps d’une génération. En 1982, à la parution de leur premier maxi 45-tours, personne n’a vraiment eu le temps de comprendre, de s’amender, de digérer ce qui est à ce moment-là l’objet d’un lourd silence, cette «opération de maintien de l’ordre» par-delà la Méditerranée, qui laissera aux Français que nous sommes un sentiment de honte compliqué. Mais au sortir de l’adolescence, je suis ignorante, je ne pense pas à la façon dont l’histoire a meurtri les populations - cela viendra bientôt -, je ne ressens que le désir d’échapper à mon étau, je ne ressens que l’énergie, la vitesse, la sensualité que portent les atmosphères rock, et Carte de séjour en est le vecteur idéal, qui traîne avec lui un parfum de subversion bon enfant et tend à la France ce miroir qu’elle ne veut pas voir. Mais c’est avant tout de la musique, et le sens de la fête. Ce n’est plus à Londres ou à New York que ça existe. C’est là tout près, ça se passe dans ma ville et même dans la banlieue où je vis. Quelque chose arrive soudain, un monde nouveau qui vibre et auquel j’appartiens.

Zoubida, ce premier tube de Carte de séjour, vient chercher ce que je ne sais pas encore définir ni même reconnaître, cette langue arabe chantée mêlée aux guitares électriques, vient réveiller d’autres sonorités oubliées, celles de ma naissance en Algérie, celles qu’a connues mon père en tant qu’appelé qui refuse de porter une arme, un engagement qui me fera écrire un roman qui tentera de démêler tous ces nœuds (1). Et dans lequel j’ai tenu à ce qu’un des personnages se nomme Taha, comme un écho intime à ce fil qui relie ces différentes facettes de mon parcours : banlieue-rock-guerre d’Algérie.

Bref, rencontrer Rachid Taha, son groupe et sa musique, c’est aussi comprendre ce qu’est être beur en France dans les années 80 et au-delà. C’est entendre autrement ce mot qui a percuté l’enfance, par lequel tout est arrivé. Le mot «ratonnade» me propulse vers la conscience qu’un bas-monde existe, qui opère dans les caves ou au terrain militaire derrière le collège, où l’on retrouve une fois un garçon très amoché, directement connecté à l’idéologie OAS (l’Organisation de l’armée secrète) encore vivace. C’est l’époque de la «Marche des Beurs», celle où les Arabes n’ont pas accès aux boîtes de nuit, et où il m’arrive de voir un jeune basané balancé dans le Rhône par des videurs musclés lors d’un concert sur une péniche. L’époque où Rachid Taha crée sur les pentes de la Croix-Rousse ce lieu hybride, le bien nommé Au refoulé, qui accueille des groupes et du public de toutes obédiences, le temple de l’œcuménisme dont on rêvait. Mais si le destin de Rachid Taha est désormais synonyme d’enjeux politiques, après que la reprise de Douce France a fait le tour du monde, Carte de séjour reste avant tout un groupe de rock. J’aime écouter sans comprendre, me laisser porter par le souffle, le battement, ce truc qui vous prend et vous invite à danser. C’est basique (comme dirait l’autre), c’est viscéral, vous vous levez aux premières notes, comme ces serpents qui se dressent au son de la flûte, ça me fait cet effet, un genre de vibration hypnotique, qui vous change en cobra. C’est beau de ne pas savoir ce qu’on chante, Ya Rayah, qui sait ce que cela signifie, comment trouver le groove chaloupé sur un flot d’images fantasmé. Ya Rayah, quand on repense aux cours d’arabe, c’est «toi qui t’en vas», adapté d’une musique traditionnelle chaâbi. Bien sûr, la figure de l’immigré est là, et le bon petit peuple de gauche auquel j’appartiens trouve tellement légitime de bouger les hanches sur les mots qu’il épouse politiquement.

Ecouter Carte de séjour se mérite, c’est une affaire d’appartenance. Aller les voir en concert, à l’époque où les voitures brûlaient à Vaulx-en-Velin (métropole de Lyon), c’était mettre un peu la main au feu. C’était le degré fort de l’encanaillement, un peu comme aller écouter Johnny Thunder (qui mit lui aussi un autre genre de feu au West Side de Villeurbanne, un soir d’hiver du début des eighties). C’était descendre de la ZUP de Rillieux-la-Pape pour aller écouter jouer des potes qui venaient de la même ZUP, et on n’aimait pas les partager avec ce qu’on nommait les «bourges». Sûr que c’était basique. Rachid et Carte de séjour, c’était une énigme, parce que c’est allé vite, parce que c’était puissant, parce que ça a brassé tant de choses. Parce qu’il y a eu une fin, une séparation. Des bruits couraient. On lisait la presse, on cherchait des infos. On entendait les nouveaux titres de Rachid, on savait qu’il était parti à Paris, on se demandait ce qui s’était passé. Les autres, les frères Amini, Djamel Dif, Eric Vaquer, Jérôme Savy, ils sont où ? On les aime, on les veut. C’est Rachid qui a mis fin à Carte de séjour ? A qui la faute ? Mais là, il s’agissait de «monter à Paris», on sait ce que cela signifie quand on vit en province. On a vu les images, on a compris l’ampleur internationale, le nom du garçon de Rillieux associé à ceux de Steeve Hillage ou Brian Eno. On était fiers, mais tristes aussi. Ce n’était plus «nous», c’était autre chose désormais. Sans le groupe, sans Carte de séjour, Rachid nous échappait. Ce qui était le plus difficile, c’était surtout que la jeunesse était passée, la sienne, et aussi la nôtre.

J’ai voulu comprendre comment on en arrive là. J’ai lu sa naissance à Oran en 1958, sa relation à la guerre d’Algérie, la violence subie par un de ses oncles, qu’on nomme torture et même au-delà (2). J’ai lu le désir de son père de le faire aller à l’école quoi qu’il arrive, son arrivée en France à 12 ans en Alsace, alors qu’il ne parle presque pas le français, j’ai lu le foot qui l’aide à s’intégrer, le certificat d’étude, le père qui fait les trois huit et subit plusieurs licenciements, le petit appartement avec le miracle de l’eau qui coule au robinet, les deux enfants morts en bas âge, la mère qui travaille chez les collants Ergee, la Simca 1 000 de rallye qu’achète le père (c’est un original). J’ai lu l’espoir que le passage en France soit provisoire, le déménagement malgré tout à Lépanges-sur-Volognes (Vosges) où il côtoie les Villemin, puis l’arrivée à Lyon en 1978, plus précisément à Rillieux-la-Pape, dans une maison de la Fondation Abbé-Pierre. J’ai lu le travail chez Lesieur puis Thermix, en qualité d’OS, où il rencontre les frères Amini. J’ai appris il n’y a pas si longtemps que Rachid avait toujours refusé la nationalité française, bien qu’il ait été élevé dans le respect de la France. J’ai lu son regard critique à l’égard de l’Algérie d’après l’indépendance, son honnêteté et sa liberté de penser. Respect, et chagrin.
(1) Un loup pour l’homme, 2017, Flammarion.(2) Rock la Casbah, Rachid Taha avec Dominique Lacout, Flammarion 2008.

Brigitte Giraud écrivaine


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