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- Publication : vendredi 12 août 2016 15:29
L'aile ou la cuisse: Dieu, l'argument de vente Par Majid Blal.
C'était en 1997 à Meknès. Nous étions, mon ami Mustapha.H et moi sur la route pour une escapade touristique et tous risques vers Tanger. Il était environ midi où la chaleur avait confisqué tous les recoins et n'avait cédé à l'ombre aucune lézarde pour se cacher.
Nous avions soif et faim.
Comme nous avions encore du trajet à parcourir, nous avions décidé de nous restaurer en vitesse sur la terrasse et sous les arbres d'une rôtisserie à Hamria, entre le cinéma Caméra et Lycée Lalla Amina. La même réflexion que beaucoup de voyageurs pressés adoptent quand ils se tournent vers le poulet rôti pour en faire la solution rapide et adéquate à leur dilemme.
Une fois attablés, le serveur nous a apporté les boissons fraiches et a pris la commande. Une poitrine pour moi et une cuisse pour Mustapha, avec frites et salade pour les deux.
Lorsqu'il est revenu avec les assiettes, il déposa les repas et se retourna pour quitter quand je l'ai interpelé pour lui faire la remarque:
- Excuse-moi Ssi mohamed ( Au Maroc tout le monde est Ssi Mohamed quand on ne connait pas son prénom), nous avions commandé une cuisse et une poitrine et je ne vois que deux poitrines.
- Pas grave, rétorqua-t-il avec assurance, djaj, djaj, les deux c'est poulet, c'est la même chose, mon frère.
- Non, non, s'insurgeai-je, nous sommes clients, nous avons le choix. Puis le client est roi...et je ne suis pas ton frère.
- C'est la nourriture de dieu. Pourquoi discriminer entre ni3matallah et faire une hiérarchisation entre les bienfaits de dieu, quand cela vient du même poulet. Cuisse ou poitrine, ce n'est pas important quand on a faim...
Il a clamé cette dernière réplique d'une façon solennelle comme un prédicateur qui nous aurait pris en flagrant délit de blasphème. Je me suis fâché et j'ai demandé à voir son patron. Au lieu d'aller le chercher, il m'a désigné la porte du restaurant pour que j'aille moi-même à la recherche du boss.
Je suis rentré dans la fournaise qu'était la rôtisserie, puis avant même que je puisse parler au propriétaire, mon œil fut happé et attiré par le contenu de la rôtissoire. Il y avait un amoncellement de poitrines cuites et aucune cuisse en vue.
C'est à ce moment que j'ai compris que les clients marocains aimant les cuisses de poulet et dédaignant la chair blanche et sèche des poitrines ont crée un problème dans le roulement des stocks du restaurant. Pour pallier au problème et se débarrasser du surplus de poitrines, ils ont fait appel à dieu.
Ils ont développé l'argument du bienfait de dieu et ils ont engagé le divin comme vendeur à commission. L'intimidation fait le reste.
L'islam au service de la rupture de stock de cuisses et un argument puissant pour l'écoulement de l'excédent de poitrine. C'était presque le raisonnement Rosa Luxembourg qui expliquait la colonisation par le besoin d'écouler les excédents des produits manufacturiers européens.
Aujourd'hui, la technique marketing a bien progressé et s'est améliorée. Ils sont entrain de nous vendre l'idée que le couscous amazigh est un symbole de l'islam et on l'a confiné au vendredi.
Majid Blal, Sherbrooke, le jeudi 11 août 2016