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Majid Blal

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ET SOUDAIN, J'AI PEUR

Par Majid Blal

Je ne me retrouve plus ! Je ne sais plus si mon environnement qui m’était si familier, m’est devenu soudain si hostile.

J’ai peur ! Oui je suis devenu craintif en observant, peut-être en vieillissant. J’ai vu les idéaux que j’ai endossés tomber et s’affaler comme des sacs de jute lourdement inanimés.

J’ai vu l’ignorance crasse ne plus avoir honte et prendre ses aises. J’ai vu l’indignation se faire au rabais et au faciès. J’ai vu la citoyenneté perdre de sa noblesse et son aura pour devenir une désignation selon la tête du client.

J’ai vu le discours haineux devenir banal et même plus : Une attitude valorisée et valorisante. J’ai vu le rejet et le repli identitaire se partager le terrain des convictions.

j'ai vu des gens sans histoires tenir des langages orduriers comme mots de passes, comme cris de ralliement.

J’ai vu un autre Québec que je me refusais de considérer possible.

On détruit les ponts pour ériger des murs. On déchiquette les passerelles pour construire des frontières. On assiège. On séquestre l'intelligence et on libère les bas instincts.

J’ai peur et pourtant.

Je refuse de payer pour tous les Oussama de ce monde. Je refuse d’être l’instrument que manipule l’ignorance de la xénophobie quand elle ne peut convaincre.

Je refuse d’être un quelconque coupable par association ou de circonstance. Je réfute les accusations non formulées clairement.

Je refuse d’incarner un quelconque bouc émissaire, ou une potentielle poule mouillée.

Je refuse les amalgames et les raccourcis qui ostracisent. Je refuserai toujours d’être un citoyen de seconde catégorie et cela au grand dam des ségrégationnistes. Je refuserai toujours que je sois réduit à une parcelle de ma riche identité.

J’ai peur ! Déjà que les murailles de l'apartheid se dessinent dans les formulations légitimées de la discrimination.

J'ai entendu des verbes barbelés se gargariser de rouille.

J’ai peur et j’ai le droit de dramatiser les idées perspectives.

Ce n’est pas que l’histoire ne nous apprend rien mais, hélas, la mémoire est courte et elle est une faculté qui oublie quand le populisme des suffisants s’arroge en vérité moralisatrice.

Je me souviens d’une télé série, avec Marina Orsini, qui raconte ces rafles arbitraires qu’avaient subis les italiens du Québec dans les années trente et leur internement dans un camp de concentration à Petawawa pour l’unique motif qu’ils étaient coupables par association à Mussolini. C’est dans ce climat d’arrestation et en prison que l’écrivain-journaliste Mario Duliani avait écrit « La cité sans femme » « Il Cittadino Candese » et « La vérita »

Je refuse d’être assimilé à ce que je ne suis pas. Que ce soit un Mussulini en turban, un Jihadiste, un wahhabite ou juste un dangereux québécois avec un prénom porteur d'un marqueur identitaire : Musulman.

J’ai peur et j’en suis conscient.
Les camps de mises en quarantaine !
J’y suis déjà. Je viens de franchir le seuil.
.

Nous sommes déjà sur l’ile du rejet
la haine en soldat déroule ses barbelés
La bave déferlant des bouches rictus
En vagues successives pousse l’écume

Les grognements s’étalent en verdicts
Jugements-éclairs tranchent et dictent
Sans argument se nourrit l’amalgame
Ne réplique pas qui peut être musulman

Nous sommes déjà dans nos cabanes
Dans les camps de nos internements
Sommes déjà devenus des prétextes
Sommes déjà redevenus des étrangers

Je suis déjà dedans sous les tourelles
entre miliciens et recrues sentinelles
Je suis déjà loin de mon vieux « Nous »
À force de m’inoculer l'exclusif « Vous »

Je me cherche dans mon désarroi
et bifurque du coté de la lumière
l'espoir est un printemps en attente
Vital, sur de vaincre les peurs violentes
.
.
Majid Blal, Sherbrooke le 17 octobre 2013

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