M Aouragh
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- Publication : vendredi 7 décembre 2012 00:00
ENFANTS DE RUE*
Publié le 13 juin 2012 par Mohamed Aouragh
Dans cette contrée
Reculée éloignée
Aux amères réalités
Noyée de pauvreté
Aux arides plateaux
Impitoyables et beaux
Aux lumières éclatantes
Aux couleurs chatoyantes
Adulée de randonneurs
Et de touristes visiteurs…
Dans ce pays enclavé
Aux immenses cieux
Dans ce bled isolé
Oublié des dieux
Dans ce pays unique
Rudement authentique
Aux visions de joie
Ou la misère est loi
Les habitants généreux
Accueillants chaleureux…
Dans ce pays admiré
Dans ce bled enchanté
Orphelin tu es né
Ta destinée est tracée
Ton oncle t’a élevé
À l’école tu es doué
Mais ça n’a pas duré
Tu n’y devais plus aller
Ni le droit de jouer
Comme tes petits cousins
Ou les enfants des voisins….
Dans les champs tu aidais
Tu travaillais sans répit
Tant d’efforts fournis
Bête de somme asservie
Quelques années
Durement passées
Et tu es devenu berger…
Dès l’aurore annoncée
Tu devais te lever
Dans ta musette
Une théière des allumettes
Un verre du sucre une galette
Du thé et du pain
Repas quotidien…
Parfois dans tes pièges posés
Une grive ou un lièvre attrapé
C’était le grand festin
Pour assouvir ta faim…
Tu partais la peur au ventre
D’une mauvaise rencontre
Seuls amis et compagnons
Tes chèvres tes moutons
Le matin le froid piquant
La journée le soleil écrasant…
Un soir en rentrant
Il manqua un mouton
Ton oncle était violent
Rude fut la punition
Jamais de consolation…
Le lendemain tu t’es sauvé
Sur le chemin tu as croisé
Deux touristes de passage
Dans ces contrées sauvages
À la ville ils t’ont emmené
À la gare t’ont déposé
De l’argent pour te dépanner…
Pour un campagnard
Un innocent montagnard
La rencontre avec la ville
Fut durement difficile
Et ces enfants de la rue
N’étaient pas toujours faciles
Leur passé leur vécu
Leurs révoltes leurs cris
Écumant l’infamie
Torturés marqués à vie…
Tu fus terrifié de les côtoyer
Ces petits rebelles rejetés
Et de survivre à leur côté
Tu n’avais pas le choix
Ils faisaient régner leur loi…
Ces forcenés de tous les âges
Chacun son récit sa rage
Mains et pieds abîmées
Visage et corps balafrés
Troublés harassés las
Les soirs terrés tels des rats
Yeux rougis haïs sans logis
Blessés écorchés à vie…
Ces irréductibles traqués
Par les gens et les autorités
Du matin au soir destin cruel
Arpentent rues et ruelles
Maudis et jamais à l’aise
Toujours sur des braises
Mille ruses à jouer
Mille pièges à déjouer…
Ces fougueux laminés
Tels des chiens aux aguets
Craignant un geste mal placé
Un coup de pied de balai
Ou une pierre jetée…
Ces enfants
De l’abandon
Subissant la violence
Dès leur enfance
Piégés et plongeant
Dans la colle le diluant
Tracent leur chemin
Avenir incertain infernal destin
Toujours un sac à la main
Regard triste et lointain…
Chaque nuit arrivée
Pour dormir protégés
Abrités sous des cartons
Au gré du froid du vent
Ces enfants soudoyaient
Le plus grand le plus âgé
Pour défendre et assurer…
Toi tu dormais retiré
Au cimetière abandonné
Dans une tombe retranché
Avec les morts tu es apaisé…
Les filles dormaient groupées
Dans ce mausolée désaffecté
À la main une lame de rasoir
Pour se défendre le soir
Leurs destinées scellées
Harcelées violées damnées…
La journée tu vivotais
Quelque fois tu quémandais
À l’entrée de la mosquée
Tu restais à regarder défiler
Ces croyants de l’apparence
De piété en concurrence
Dans leur look d’opulence
De mépris et d’arrogance
Balayant d’un revers de main
Les mendiants qui ont faim…
Au centre ville et à la gare
Tu vendais des mouchoirs
Des beignets et des cigarettes
Pour une maigre recette…
Tu travaillais comme coursier
Pour le pervers gargotier
Prédateur du quartier
Avec ses succulents mets
Il attirait et amadouait
Les enfants fauchés
Les enfants affamés…
Tu vendais des mots croisés
Des journaux les photocopies
Des acerbes pamphlets
Du chroniqueur NINY*
Journaliste écorché
Combattant incarcéré
Aujourd’hui libéré…
Tu es devenu cireur confirmé
Faisant le tour des cafés
Souvent tu es pourchassé
Par les serveurs agacés…
Aidé et soutenu tu as su
Affronté cette jungle rue
Tu as survécu
Tu es devenu
Père de famille ravi
De cette nouvelle vie
Le dimanche et mercredi
Au Souk tu travaillais
Marchand à la criée
À t’arracher le gosier
À longueur de journée
Pour une poignée de misère
Juste de quoi éloigner la galère…
Ton travail non déclaré
T’obligeant à jouer
Au chat et à la souris
Avec les Mokhaznis*
Vendeur à la sauvette
Poussant ta charrette
De fruits et légumes chargée
Dans les ruelles bondées
Des quartiers déshérités
Une pensée à Bouaâzizi*
Humilié traqué et harcelé
Un jour il s’est immolé…
Aux enfants de l’ASM et ceux de MIDELT
À notre ami Moha enfant de la rue, cireur de chaussures…Aujourd’hui il a un travail et une famille.
Enfant de rue* : d’après des ONG 30 000 enfants vivent dans les rues des villes marocaines livrés à eux même, dans le dénuement total…Des associations et des éducateurs sillonnent les rues tous les jours pour leur venir en aide et leur apportent un peu de réconfort…Il existe de plus en plus de lieux d’accueil pour les plus petits…
NINY*: journaliste marocain réputé par ses critiques acerbes
Mokhaznis*: gardes mobiles qui traquent les vendeurs ambulants
Bouaâzizi*: vendeur ambulant tunisien qui s’est immolé
2 réflexions au sujet de « ENFANTS DE RUE* »
- Le 1 juillet 2012 à 1 h 31 min, My Youssef BEL AABAS a dit :
Le poème s ‘ouvre sur une épître dédicatoire adressée à Moha. Les vers consacrés à des moments d’enfance plus particulièrement ceux qui ont marqués la vie du personnage Ces vers en adéquation avec ce récit biographique s échelonnant de la prime enfance de moha tel quel est développé est relaté notamment les épisodes ou le personnage en jeu exerce de petits métiers cireur, vendeur … pour échapper à la misère. Des le début de ce poème notre poète Midelti aborde plusieurs thèmes à savoir l enfance malheureuse, l errance, la pauvreté, l exploitation des enfants,,.Il fini sur une réflexion sur une critique acerbe de la société et ses abus .lesquels abus et injustice excessive ont provoqué le printemps arabe. Merci notre ami si Mohamed de ce poème que j ai beaucoup apprécie .Tu recevras bientôt in challah un écrit des enfants de la rue de notre ville natale. Bien à vous.