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Majid Blal

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MON CADEAU DE FIN D'ANNÉE ET LE RÉPIT. VAIS VOUS FAUSSER COMPAGNIE


Par Majid Blal.

J'ai écrit pour communiquer, pour moins me sentir seul, pour vous accompagner... J'ai commis des chroniques d'humeur, des analyses politiques ou sociétales, des témoignages, des poèmes, des textes humoristiques qui égratignent certains, des divagations qui se refusent d'être moralisantes.
J'ai partagé ce que je suis. Je vous dédie mon meilleur texte, selon moi. Ma peine, ma blessure, plus que les traumas de l'immigration et de sa résilience.
Je tiens à souligner que la légèreté n'est pas un manque de profondeur, mais un refus de la lourdeur morbide
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L'ERRANCE IDENTITAIRE Par Majid Blal
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Floues, deviennent les embarcations à l'horizon. Vaporeux et vagues sont les bateaux au lointain.
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Et puis un jour, nous nous rendons compte que c'est irrémédiable. Le trop d'absence a aggravé la méconnaissance et a légitimé le flou des impressions.
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On ne sait plus rien de nous. Rien d’autre que les évasifs contours de nos silhouettes indéfinies.
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La nature, n'aimant pas le vide, inventa les conjectures, les perceptions erronées et les hypothèses les plus farfelues. Les supputations, premier palier vers la certitude des avis et des communiqués.
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On avait commencé, il y a déjà des années-lumière, à nous décrire et à nous confondre avec des personnages où nous ne nous reconnaissons pas. Des créatures forgées selon leurs désirs, fortement suspects, et qui ne nous ressemblent que par de vagues généralités indistinctes.
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Comme le champ était demeuré si longtemps libre de toute réplique, on ne nous accorda aucune présomption d'innocence. On avait juste décrété qu'il y avait des circonstances où les jugements par contumace devraient s'appliquer car encastrés dans la représentation mentale collective brodée.
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Il y a des verdicts que ne peuvent contester les absents.
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Déjà au départ et sur le départ, les exilés avaient le fardeau d'être coupables. Pareillement à ces personnages de la mythologie grecque, dont les sentences de porter des malédictions, étaient souvent bannis du réel pour faire partie de l’imaginaire commun.
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Et puis un jour, nous découvrons que les nôtres ne connaissaient plus de nous que des bribes de vie rapportées par le vent abrasif des hautes terres, et par l'effronterie des rumeurs. Qu'ils ne cernaient de nos personnalités que des comportements fantasmés par de fertiles imaginaires culpabilisant. Il fallait nous trouver des défauts et des imperfections pour nous ramener à la hauteur de la médiocrité qui caractérise le trait commun.
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Les plus intraitables, les plus opiniâtres fomentent, souvent, la méprise à partir de nos proches, de nos familles élargies et de nos anciens compagnons d’infortune, avec qui il aurait été mieux de s’estropier le genou que de les accompagner un bout de vie.
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Et nous nous surprenons, par la force du téléphone arabe, de savoir que nous avions mené des vie qui n'étaient pas celles que nous avions vécues. Qu'on nous avait identifiés avec d'imprécis et hétéroclites fragments de profils qui ne nous siéent pas et qui n'ont jamais été les nôtres. On avait décidé pour nous et sans nous consulter, que nous nous la coulions douce loin de leur soleil assourdissant.
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Personne ne nous avait demandé si la route était pénible, si nos parcours migratoires étaient parsemés de traumas. Si les cicatrices guérissaient vite. Si nous nous relevions chaque fois que l’adversité nous mettait à genoux et si après chaque débâcle, nous y perdions des plumes et un peu de notre assurance.
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Personne ne s'était demandé si nos âmes avaient été balafrées de séquelles, ni pourquoi nos esprits avaient la résilience aguerrie face à la multitude d’obstacles que rencontrent les nomades, les clochards et les déracinés.
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Personne ne nous avait interrogés pour s’enquérir. Avions-nous pansé nos blessures ? Étions-nous arrivés à nous raccommoder ? À nous armer d’espoir et d’abnégation après chaque fragmentation de nos êtres émotionnels ?
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Personne ne s'était questionné sur nos efforts pour nous réconcilier avec nous-mêmes pendant nos errances identitaires. On avait, juste, décidé en notre absence, que nous étions choyés dans l'Éden de leur imaginaire. Là où le bonheur pousse dans les arbres des forets de résineux et l’argent coule dans les rivières vers nos lacs individuels.
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On avait à cœur de décrire nos orgies présumées comme si on y était. On avait insisté pour commenter nos beuveries et nos débauches pour mieux fantasmer sur nos imperfections prophétisées. Puis on avait tout scénarisé avec soin, car on avait envie de nous taxer de fêtards pathologiques, d’insouciants volages et surtout d’ingrats aux nôtres.
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Perfectionnistes du clabaudage, on s’est attelé à y mettre les descriptions, les détails sulfureux et la diffamation par excès de mauvaise foi, à dix milles lieux de nos réalités intrinsèques.
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Effrontés, ils sont prêts à nous confronter afin de nous instruire sur nos péripéties car ils s’arrogent la connaissance absolue de nos parcours migratoires mieux que nous, nous connaissions nos historiques personnels.
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Puis quand ils s’étaient concertés, ils avaient statué que nos visites ne pouvaient durer plus longtemps que durait le capital sympathie. Capital sympathie qui fluctue selon nos déboursés et la générosité de nos largesses.
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Nous les avons débusqué entrain de se souhaiter nos départs imminents et nos retours espacés et ils nous avaient intimé de nous taire, car ils croyaient que nous ne comprenions plus la langue des cailloux et de l’Alfa du Mordor. C’est ainsi que nous étions étonnés de les voir s’adresser à nous en gesticulant et en grimaçant : Ils ont cru que nous avions perdu l’usage de la langue locale.

Et puis un jour, nous acceptâmes, à contrecœur, d'être encore un peu plus étrangers qu'au moment des séparations. D’être encore un peu plus seuls. Un peu plus solitaires que la veille. D’être l’autre qu’on ne connaît que par les légendes familiales qu’on invente autour du feu. Et surtout par la force des ragots que nous refuserons de notre vivant. Définitivement, comme un éloge funèbre.
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Nous avons fini par comprendre que nos êtres réels s’étaient estompés avec la permanence de l’absence et qu’à cela s’était substitué un ensemble hétéroclite de clichés qui sont censés nous définir. C’est ainsi qu’on nous avait inventé une vie qui était loin de nous correspondre et de nous ressembler.
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Partir, c'est mourir un peu. Un peu, beaucoup, passionnément, à la folie, pour toujours et ressusciter ponctuellement par convulsions périodiques...pour emmerder les ragots.
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Doucement, doucement, nous finissons par divorcer de nos famille de nos origines, sans péridural ni remords, car nous n’y avons plus une place prépondérante.
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Le 15 mars 2016 à Sherbrooke
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