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Midelt, ville-province

  par BEHRI ABDELAAZIZ.


Mieux vaut tard que jamais.

A Midelt, cette année, le climat est bizarroïde. Beaucoup de vent, un froid glacial, pas de neige, et ce, au moment où celle-ci a été annoncée, à maintes reprises, dans des hauteurs ne dépassant pas 1000 mètres.

Il semble bien que notre chère mère a perdu la protection de son seigneur Al Ayachi qui la couvrait de son burnous blanc durant tout l'hiver. Doublement abandonnée, elle n'arrive plus à garder ses enfants au chaud. La neige exerçant une action stabilisatrice sur la température, ni chaud, ni froid, c'est la population qui  paie les frais car les spéculateurs ont fait fortune ; le prix du quintal a presque doublé. De mémoire de quinquagénaire, jamais hiver n'a été aussi rude. En outre, il n'est question que de cela dans toutes les discussions.
   On comprend bien que l'Etat veuille lutter contre la déforestation, c'est on ne peut plus légitime. Mais, que vont devenir les gens pauvres qui ne sont ni bien vêtus, ni bien nourris ? D'autant que d'autres hivers suivront avec leur lot de souffrances pour la population mal nantie. J'aurais certainement sombré dans le désespoir sans la bonne nouvelle de la future province. On l'avait bien dit la dernière fois, que le Roi était venu, avait vu et avait compris.

 

   En effet,  notre ville vient de bénéficier de la promotion interne ; celle-ci a certes mis beaucoup de temps pour nous rendre justice, mais mieux vaut tard que jamais. Ainsi va-t-elle changé de tuteur. Désormais, son pourvoyeur sera l'Etat et l'on ne m'entendra plus râler. Ni  reproches, ni éloges car, dans ce choix, il n'y a pas eu d'intercession, ni de l'aigle royal à la  crinière lanche, ni de l'albatros de l'Atlantique, ni des amis du lion. C'est  le Souverain lui-même, qui, dans un discours, a demandé qu'on lui fasse des  propositions. Voilà, c'est maintenant fait et vivement la nomination d'un gouverneur. La grande gagnante sera bien sûr la population locale qui a beaucoup enduré par le passé. Nous avions toujours vécu avec l'espoir que nos
  représentants parviennent à arracher des serres des vautours des autres provinces dont elle dépendait un quelconque petit projet, qui mettait  souvent bien du  temps à se réaliser, d'où le retard flagrant enregistré par Midelt. Mais, grâce à Dieu, son nouveau statut va la révolutionner grâce à sa mise à niveau. Aussi, après nos longues plaintes vaines, le moment est-il venu, pour
  nous autres Mideltis,de rêver à ce que sera notre ville.

                  Il y aura, d'abord, une  infrastructure urbaine moderne. Une longue avenue qui traverse la ville de part en part et dont la largeur permettra aux estivants de se dégourdir les jambes pendant les nuits fraîches de l'été. Des rues moins sales et plus carrossables. Des terrains vagues sans déchets. Des espaces verts entretenus et gardés pour que les paisibles noctambules savourent leur contemplation du ciel étoilé. Des locaux administratifs flambant neuf. Une architecture   en
  harmonie avec l'environnement et qui réponde aux exigences climatiques de la région. Midelt se transformera alors en un grand chantier où la population désoeuvrée de la région pourra trouver du travail. Elle connaîtra certainement la naissance de quartiers qui seront conçus de manière à répondre aux attentes de toutes les couches sociales : des habitations économiques aux résidences de grand standing.  Somme toute, elle changera de garde-robes et de  maquilleurs, redeviendra belle et retrouvera sa splendeur d'antan. Nos élus n'auront  plus besoin, au cas où ils l'auraient déjà fait par le passé, de quémander dans les  couloirs des ministères. Tout sera décidé en amont parce que le nouveau tuteur sait ce qu'il attend de Midelt et ce  qu'elle attend de lui. Il sera son pourvoyeur de fonds et, à l'instar des autres provinces, elle puisera à même la source. Notre ville a beaucoup des potentialités que  l'Etat seul peut mettre en exergue, d'autant que celui-ci est devenu un grand opérateur. Des commissions, aussi bien gouvernementales que privées seront incessamment dépêchées sur les lieux pour dénicher les opportunités. Mais, rassurez-vous, généreuse comme elle est, notre ville ne décevra pas les investisseurs potentiels, ni  ses enfants chéris auxquels elle offrira plus de travail surtout si l'on rouvre les mines. Je suis  persuadé qu'elle sera un vrai  joyau.

             A propos de potentialités, il est un secteur des plus prometteurs, à savoir, le tourisme de montagne. En effet, située au pied de Jbel Al Ayachi, elle offre un relief adéquat ; le touriste pourra faire des randonnées  pédestres, en VTT ou à dos de mulet, qui le mèneront dans des sites panoramiques, impressionnants et d'une beauté sauvage. Jaafar, Anzar noufounas, Zaouya … Des itinéraires merveilleux que les guides sauront tracer, dès à présent, pour garantir au visiteur un séjour magnifique, agrémenté d'aventures pour les amateurs d'escalade de parois rocheuses et autres sports.

             Ensuite, la présence de toutes les administrations.  Hormis le Tourisme, elles ont déjà des représentations ici. Cependant, déficitaires en ressources humaines, elles dépendent de l'humeur, souvent mauvaise,  de Khénifra. En effet, jusqu'ici, on attendait que les différentes délégations provinciales  daignent ouvrir les vannes pour le déversement des  trop-pleins, même si les Délégués ne savent que trop bien que les besoins en personnels dont souffrent les services de chez nous constituent une carence chronique qui  entrave leur bonne marche, surtout dans les secteurs à caractère social, tels les hôpitaux et  les établissements scolaires, alors que là-bas, des fonctionnaires se tournent les pouces.

             Inhérent à cette proximité, le problème du déplacement ne se  posera plus pour les pauvres citoyens qui, outre le souci des frais de transport et de restauration,  prennent souvent leur mal en patience, le  responsable étant rarement à l'heure, et  s'ils ratent l'autocar, ils paient cher ce retard, sans  parler du calvaire des malades  évacués et de leurs accompagnateurs, ni du déplacement qui devient infernal en été. Ceux qui  viendront à Midelt n'hésiteront pas, au contraire, à prolonger leur
 séjour ; de l'argent en  perspective.

             Enfin, et c'est là que le bât blesse, la population est pauvre et il va falloir lui venir en aide. Le nouveau gouverneur et ses proches collaborateurs qui, espérons-le, seront triés sur le volet, auront du pain sur la planche. En effet, en dehors de l'immobilier, du secteur tertiaire et des pensions, il n'existe pas, actuellement, de moyen pour résorber le chômage qui sévit chez nous et qui nuit beaucoup à la société, à cause des fléaux qui s'ensuivent. Il est vrai que les débuts de toute nouvelle      création sont difficiles, mais la priorité des priorités doit être accordée au secteur économico-social, d'autant que les conditions climatiques sont très dures. Le minimum vital n'est pas encore accessible pour tout le monde ,car, outre la nourriture et les vêtements, il y a le chauffage. Avant, le prix du bois étant à la portée des bourses, les indigents pouvaient le mendier. Aujourd'hui, cette matière vitale est devenue rare à cause des exploitants malhonnêtes et inabordable à cause des
 spéculateurs. Notre vœu le plus cher est qu'on lui trouve des substituts : le charbon, mais là aussi il faut taper fort sur les doigts des fraudeurs qui n'hésiteront nullement à écouler de la mauvaise qualité, ou bien l'électricité ; une quantité de kw plafonnée et à demi tarif pendant la période hivernale. Win win : le pays préservera la forêt et les  habitants affronteront mieux les affres du
 froid. Le second problème épineux est celui de la farine  nationale. Il est temps de chercher à épargner aux nécessiteux les longues queues du stade  municipal, qui commencent dès potron minet. Le troisième est celui du transport pendant les périodes de pointes, en l'occurrence, les vacances et les fêtes religieuses, où  Midelt est mal  desservie. Les étudiants, les fonctionnaires, les malades et autres voyageurs déboursent énormément pour pouvoir vaquer à leurs occupations. Là aussi, les grands taxis sortent leurs griffes et doublent ou triplent le tarif. Les vampires sont légion chez nous et n'attendent que le moment propice pour vider les poches des  citoyens. Le quatrième, et c'est le plus crucial, c'est le chômage endémique,  facteur éminemment pathogène.


              Mon grand espoir est que nous serons à la hauteur de cet heureux évènement. D'abord par le espect   le respect de la loi en matière de construction pour qu'il n'y ait pas de bidonville, vu l'affluence massive que connaîtra la ville. Ensuite, par le respect de l'environnement, « POUR UNE VILLE PROPRE » sera notre slogan commun. Enfin, par la serviabilité et la gentillesse vis-à-vis des autres en adoptant cette devise : Faites à autrui ce que vous aimeriez qu'on vous fît. Retroussons donc nos manches et préparons-nous au travail.


  BEHRI ABDELAAZIZ.
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