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- Publication : jeudi 10 novembre 2016 16:00
MODÈLES DE GESTION DE LA DIVERSITÉ
Par Majid Blal
Assimilationnnisme, multiculturalisme et interculturalisme
Chacun des modèles occidentaux de gestion de la démocratie, se targue d’être la meilleur approche pour intégrer les citoyens issus de la diversité. Les approches différentes soient elles, sont d’abord une vision de la vie en groupe et de ce point de vue sont toutes de bonne foi et animées par le souci du meilleur vivre ensemble dans le respect de chacun qu’importe ses origines, sa religion, sa couleur etc.
Les 3 modèles proposés, républicanisme, multiculturalisme et l’interculturalisme sont porteurs de différences tangibles qui trouvent leurs explications dans l’histoire des pays des pays concernés ainsi que dans les législations qui les régissent.
La place de l’individu et des groupes communautaires sont les pierres angulaires qui soulignent le clivage entre les 3 modèles. La reconnaissance de droits collectifs ou non, la volonté d’imposer ou non une homogénéisation culturelle, la tolérance de la diversité dans les manières d’agir et de penser, La conception de la vie en société et la définition de l’espace démocratique sont les socles qui supportent chaque modèle.
Républicanisme : Si à priori le modèle français m’est théoriquement le plus attirant par son contenu intrinsèque et par une certaine affection acquise par la sublimation qui subsiste dans l’imaginaire des anciennes colonies françaises dont je suis issu, le modèle est déficient dans la pratique parce qu’il a de la difficulté à se remettre en cause et à se pencher sérieusement sans se renier sur les questions de l’intégration et des barrières qui s’y opposent.
Théoriquement, le monoculturalisme français prône l’égalité en droits des citoyens et confine les identités particulières dans la sphère privée. L’état laïc se constitue comme l’unique source de lois et du droit et considère la citoyenneté comme la condition de l’appartenance de l’individu à la nation. L’intégration est individuelle et les groupes communautaires sont rejetés.
Toutefois dans la pratique, les limites du modèle sont bien flagrantes. La tradition assimilationniste que le monoculturalisme français met à la base de la citoyenneté a été freinée par la négligence de bien intégrer dans le tissu social les citoyens de la diversité issus de l’immigration coloniale et post coloniale. Les études des inégalités et de la discrimination, dont souffrent les émigrés et les français de la diversité, trouvent par exemple un obstacle majeur dans le refus de publier et d’analyser des statistiques qui réfèrent à l’ethnicité, aux origines, à la couleur et à la religion.
Le refus de télescoper la réalité en la réfutant sous prétexte que dans une société égalitaire qui refuse le communautarisme, tous les citoyens sont d’abord des enfants de la république, cache les imperfections du système sous le tapis des valeurs républicaines.
Les discriminations sont une plaie ouverte et sans instrument de mesure, l’engagement des entreprises comme des décideurs demeure inégal. Il est bien bon d’afficher de la diversité et de clamer « Blanc, black, beur » il n’en demeure pas que des citoyens à part entière voient la république les marginaliser. Plusieurs intervenants appellent à ce que l’état s’outille de mesure de la diversité ethnique car l’héritage colonial a fait que la notion de race a bien pénétré dans les imaginaires collectifs qui sont imbibés de préjugés raciaux, de stéréotypes et du mépris de l’autre. Il faudrait s’attaquer aux discriminations raciales, de pouvoir les nommer et ainsi commencer à« décoloniser les imaginaires »
On ne peut assimiler un immigrant car il n'a jamais été une page vierge. Ce n’est pas un nouvel disque dur qu’on formate et qu’on remplit à la guise de l’utilisateur. La France n'a jamais assimilé les Corses, ni les basques, ni...
Je ne traite pas ici du communautarisme que le modèle assimiliationniste semble honnir et bannir, mais qui demeure une réalité dans la vie politique française où certains groupes d’intérêts comme certaines associations de défense des droits ne sont que les portes voix et portes paroles de certaines communautés.
Multiculturalisme : Ce modèle s’inspire de la tradition britannique qui fait de la tolérance, du respect et de la promotion des différences une question de principe et de doit. Confrontée dans son histoire à la diversité au sein même de son fief, Écosse, Irlande, Highland…, l’Angleterre a toujours fait l’apologie de l’espace démocratique comme un impératif politique où la diversité est reconnue comme une source de richesse pour l’ensemble de la société.
La vie en communauté n’est pas perçue comme une sorte de ghettoïsation mais comme un droit qui permet aux individus de perpétuer leurs manières de vivre au milieu de leur communauté.
Le multiculturalisme britannique a posé très tôt les jalons de sa volonté de lutter contre le racisme et la discrimination en légiférant et en encourageant la dénonciation des actes répréhensibles. Ce modèle fait la promotion et la célébration de la diversité et ainsi donne aux communautés les moyens et les outils pour entretenir leurs différences, enseignement religieux, reconnaissance des cultes etc
Si le modèle canadien s’inspire du multiculturalisme britannique, Le modèle américain est sensiblement différent car dés l’indépendance des États-Unis, les textes fondateurs avaient mis l’accent sur les libertés : Liberté de culte, liberté d’association et de rassemblement, liberté de parole des individus et d’expression de la presse…
La nature même des différentes vagues d’immigration a marqué le tissu social et démographique de la fédération, donnant un poids supplémentaire à l’importance de la diversité et au « Melting-pot » qui caractérise la diversité américaine. Si officiellement il y a séparation de l’église et de l’état, la religion demeure un facteur important dans la gestion étatique et comme valeur indéniable dans la prise de décision. Dans un pays où le puritanisme est une notion valorisée, les politiques et les principes de base sont teintés par le recours au divin.
Les droits civiques et civils ont été longtemps méprisés et ce n’est qu’à partir des années soixante que les états récalcitrants ont commencé à corriger le tir et à réfuter la ségrégation ambiante. Des mesures comme l’affirmative action ont été instaurées pour corriger les injustices subies par les groupes minoritaires.
Interculturalisme : Pour le Québec, l’interculturalisme est un modèle adéquat car il reprend d’une certaine façon le modèle républicain et il l’adapte à la réalité locale. Le point important à mon avis de ce modèle est qu’il n’est pas assimilationniste à court terme. Cette vision d’une société qui encourage l’interaction entre la culture dominante et les cultures qui s’y greffent, au fur et à mesure de l’apport migratoire, permet l’absorption et l’intégration de certains volets et aspects des manières d’agir et de penser des communautés culturelles dans l’identité commune. Une société plurielle où les identités deviennent multiples.
C’est un modèle qui se cherche encore mais qui arrivera à murir au fur et à mesure que les craintes identitaires de la majorité s’estomperont au profit d’une identité commune riche en apport, en diversité, et allant vers un objectif commun qui est le vivre ensemble dans l’harmonie et le respect.
Les tenants du nationalisme identitaire ou ethnique, refusent de cautionner une société cosmopolite qui fait de sa mosaïque interculturelle une partie de la composante sociale et démographique. Pour contourner le devoir d'une société de protéger ses minorités, ils ont pérverti le mot cosmopolite, qui appelle à l'humanisme et à l'universalisme, par le concept de multiculturalisme qui porterait, selon eux, les stigmates d'un Canada colonisateur du Québec.
Sherbrooke, Majid Blal.
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