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- Publication : lundi 2 septembre 2013 15:48
Le dilemme des femmes musulmanes québécoises.
ParMajid Blal
L’univers bicéphale et bipolaire de la femme musulmane au Québec altère son statut de citoyenne parce que écartelée entre les certitudes de ceux qui lui dénient le choix de se prendre en main et de décider de son propre être.
Écartelée entre le tutorat dégradant de ceux qui veulent la soustraire aux regards et le paternalisme arrogant de ceux qui veulent la sauver d’une soumission imposée souvent plus imaginaire que réelle.
Les deux dynamiques dans les deux cas, continuent cette effroyable surenchère de vouloir contrôler l’image et les utérus des femmes sans leur demander leur mot sur le sujet.
Les certitudes des certains orthodoxes musulmans qui auraient la vérité absolue et la vison de certains bien pensants « Libérateurs » ne font qu’entretenir son confinement dans l’état de mineure qui a besoin d’être chaperonnée d’une façon ou une autre car incapable de penser par elle-même sur l’éventail des comportements à adopter. La finalité revient à la culpabiliser et de compliquer son parcours d’intégration autonome comme citoyenne dans une société démocratique égalitaire.
Ont-elles le droit sur leurs propres corps, images, utérus… ? Sont-elles mésestimées au point de croire qu’elles ne peuvent décider elles mêmes de se gérer en tant qu’entités faisant partie du tissu social ? Nous ne sommes ni en Afghanistan ni en Arabie Saoudite et notre société est régie par des règles et des valeurs inscrites dans les chartes et dans les valeurs démocratiques. Bien sur je ne parle pas de voile intégral qu’il soit Niqab, Burqa ou autres sont à bannir pour toutes les raisons évoquées dans le débat sociétal.
Je sais que comme citoyen et comme fervent d’une démocratie laïc égalitaire, je n’oserais jamais lui prescrire la voie d’une certitude quelconque. Je leur fait confiance pour s’assumer, s’émanciper et cheminer selon leurs propres convictions tant qu'elles ne portent préjudice à personne.
Pourquoi cibler les femmes alors qu’il y a mieux à faire pour extirper la religion des mains des extrémistes. Pourquoi ne pas former les Imams Québécois au Québec. Les sélectionner parmi les citoyens qui connaissent leur milieu de vie et qui partagent notre vision commune du vivre ensemble. Mettre à leur disposition des cours sur l’interculturalité, sur la culture québécoise.
Leur donner des cours de droit et une connaissance des règles qui régissent une société démocratique. Formation civile et civique qui met l’accent sur le respect de l’autre et des institutions. Leur apprendre l’histoire et la sociologie des gens d’ici. Et leur dispenser des cours de français pour qu’ils soient accessibles à tous et pour qu’on puisse espérer les voir lire au moins un poète local.
Former les Imams au Québec. C’est éviter de subir des gens qui viennent d’autres univers pour prêcher sans rien savoir du tissu social et du vivre ensemble requis. Mettre la citoyenneté au cœur de la religion et la religion comme entité de la citoyenneté.
C’est cela aussi l’objectif d’une laïcité ouverte qui privilégie la citoyenneté participative et l’intégration harmonieuse.
Je sais que les citoyens de confession musulmane, non pratiquants et porteurs d’un discours nuancé, sont aussi dans une position délicate car traités comme des mécréants par certains zélés coreligionnaires et d’autres soupçonnés de porter en eux les germes du mal par d’autres xénophobes qui ne pensent qu’à en découdre avec l’islam.
Même si on se fardait de blond, même si on roucoulait la langue avec l'accent d'autrui, les noms et les prénoms demeureraient des marqueurs identitaires. L'exclusion, le replis sur soi comme le rejet sont, d'abord, la conséquence des perceptions des ghettos érigés dans les têtes.
Majid Blal, Sherbrooke, le 2 septembre 2013